Loin
des yeux, loin du cœur. Paris adorée, jamais
cette affirmation ne s’appliquera à ton cas. A défaut de couler dans mes
veines, c’est dans mon esprit, mon corps et mon cœur que tu vis.
Pauvre
expatriée que je suis désormais, il m’est impossible de t’oublier. Plus qu’une
simple origine, tu fais de tes habitants de vraies starlettes dans le monde
entier. Un simple « Where are you from ? » se transforme en gémissements
émoustillés : « PARIS ! Paris Paris ? » Pas bêtes, ces derniers ont bien
compris qu’un certain nombre d’individus issus de la très grande région
parisienne avaient tendance à légèrement tricher sur leur lieu d’habitat.
Pour
nous, qui sommes nés dans ton fort, y avons grandi, trainé, zoné, glandé,
galéré. Pour ceux, qui en connaissent tous les recoins. Qui ont fait de tes
rues leur quotidien, et de tes transports leur enfer. Pour nous tous, tu es
aussi bien notre icône que notre cauchemar.
La
vérité est que ta popularité est proportionnelle à la détestation que les gens
nous portent. Je t’ai toujours défendu, sache-le, quand on t’accusait d’être
agressive ou de manquer d’hospitalité. « Des clichés », je répondais, sûre de
moi. Je vantais ta douceur, ta culture, ton style et ton éclectisme. Aux
insultes et autres moqueries nous devrions acquiescer bêtement ? Non ! Je le
portais en principe, côte à côte nous nous défendrons face à la jalousie de
ceux qui par complexe d’infériorité se permettait de te trouver tous les maux.
J’étais enfin devenue la parisienne haïe du reste de la France !
Seulement,
loin des regards de tes pourfendeurs, dans le cercle fermé des Parisiens, nous
l’avouons : tu es loin d’être l’endroit parfait. Il n’y a bien plus que dans
l’imaginaire des Chinois que tu restes la ville idyllique des cartes postales
(et dans les films de Woody Allen).
Ton
problème, ma chère c’est que tu es une indétrônable coincée. Loin de
l’extravagance et de l’ouverture d’esprit de tes semblables anglophones, tu
juges, tu médises, tu insultes. Aussi féminine que tu sois, tu transformes en
prises de tête quotidiennes la vie de tes habitantes. Pas question de sortir en
mini-jupe ou en shorty, sous peine de recevoir surnoms et autres quolibets. La
vérité ma jolie, c’est que ce défaut me fera un jour te quitter définitivement.
Malgré tout l’amour que je te porte, rien ne vaut la liberté d’être une biatch
en toute tranquillité.
Pourtant,
je le sais, c’est dans ce grand bordel parisien que je suis chez moi. Loin,
j’en reviens presque à regretter l’odeur d’urine de la ligne 13 ou le rappeur
roumain unijambiste et borgne de la ligne 2. Le bruit, ta folie et ton
insolence me manquent. Quand on a goûté à ta cadence, tout nous paraît bien mou
après… C’est vrai, je l’aime aussi ton côté mauvais garçon, mais c’est ce qui
me fera te quitter. L’héroïne ne se marie jamais avec le bad boy c’est bien
connu.
Sache,
que là ou je suis, je prends le bus seule, la nuit, sans peur et je peux jouer
sans risque à Tétris sur mon Iphone dans le métro. Je n’ai pas besoin, non
plus, d’hypothéquer ma maison pour prendre un verre en boîte de nuit ou bien de
présenter cinq lettres de recommandation pour louer un appartement. Je
m’aperçois, de plus en plus, que je suis fatiguée de ton irrespect, de tes
regards malsains, de ton incivilité.
Alors,
voilà, je doute. Comme Sofiane avec Nabila, je suis dingue de toi. Ce n’est pas
ton boule qui me fera revenir, mais presque. Parce que nulle part ailleurs, je
ne retrouve pareille beauté. Surtout, parce que je n’ai jamais autant cru au
fait qu’on pouvait, à ce point, appartenir à un endroit.
Lettre
d’amour ou de rupture ? J’ai encore le temps d’y réfléchir. Mais sache que
comme toutes les histoires d’amour, tu as une date de péremption et que tu
pourrais perdre à n’importe quel moment l’un de tes plus fidèles soldats.
Abernathy Kiddo
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